La pleine conscience à l’école ou à la maison : adopter des habitudes pour « mieux être »

Dans une société marquée par le zapping, par la rapidité, par le stress et par l’exigence de performance – une société telle que la nôtre –, nombreux sont celles et ceux qui peinent à trouver le sommeil, à se concentrer de manière prolongée ou, tout simplement, à « prendre le temps ». Constamment sollicité, notre esprit tente de donner le change et de suivre le rythme effréné qui lui est imposé. L’exercice n’est pas aisé et mène bien souvent à des situations inconfortables, voire déstabilisantes, que subissent au quotidien nombre d’adultes et d’enfants.

Il vous arrive d’être trop préoccupé(e) par votre journée de boulot ? Vous peinez à accorder l’attention qu’il mérite à votre enfant en rentrant le soir ? Vous êtes irritable ? Fatigué(e) ? Usé(e) par une relation conflictuelle ? De la même façon, il est très fréquent que, tracassé par la journée d’école, par la dispute avec sa meilleure amie ou par les difficultés qu’il rencontre en maths, votre bout de chou soit distrait et éprouve, de ce fait, des difficultés à se concentrer.

Comment faire face ? Et si vous osiez la « pleine conscience » ?

« Être au présent », c’est le nom de l’asbl à laquelle Anne-Valérie Giannoli, instructrice pleine conscience, a donné naissance il y a maintenant 4 ans, pour faire connaître et diffuser la pratique de la pleine conscience pour petits et grands, notamment à l’école.

Si cette diplômée d’HEC a aujourd’hui fait de la pleine conscience son quotidien, cela n’a cependant pas toujours été le cas.

En effet, Anne-Valérie a débuté sa carrière professionnelle dans le milieu du marketing et des grandes entreprises. Alors qu’elle évolue dans un univers où l’efficacité et la performance règnent en maître, une longue expatriation en Chine, il y a 15 ans à présent, lui offre l’occasion de choisir une voie plus en accord avec ses aspirations profondes, au service de l’humain. Elle y a notamment étudié l’acupuncture et découvert la méditation, qu’elle a commencé à pratiquer.

De retour en France, Anne-Valérie découvre le programme MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction, le protocole de réduction du stress basé sur la pleine conscience) qui a été à l’origine de la diffusion de cette pratique dans le monde occidental. Cela a été la révélation : c’était une évidence, c’était désormais ça qu’elle avait envie de partager. Aujourd’hui, après plusieurs années de formation (elle est notamment titulaire d’un DU de Médecine Méditation et Neuroscience) et de pratique personnelle, Anne-Valérie propose désormais des ateliers ou des programmes, basés sur la pleine conscience, en privé et au sein des écoles, pour les élèves et les enseignants.

Mais enfin, qu’est-ce que la « pleine conscience » ? Pourquoi pratiquer la méditation à la maison ou à l’école ? Comment s’y prend-on ? Comment l’enseigne-t-on aux plus jeunes ? Et puis, plus concrètement, quels bénéfices les enseignants et les enfants peuvent-ils en tirer ?

Rencontre avec une ambassadrice du mieux-être !

La pleine conscience, c’est quoi ?

Pour bien comprendre, et poser un postulat de base concret, il convient de se poser la question suivante : cela vous arrive-t-il de vous sentir ailleurs, perdu dans vos pensées, de vous sentir entraîné par le rythme du monde sans pouvoir toujours y répondre ? Cela vous arrive-t-il de ne plus être « connecté » à ce qui compte réellement pour vous ?

La pratique de la pleine conscience invite chacun à se relier à son expérience dans l’instant, à ressentir ce qui se passe en soi et autour de soi, en adoptant une attitude ouverture, curieuse et non jugeante. Être vraiment présent dans l’instant, attentif, sans se laisser emporter par l’agitation du moment, sans céder à ses impulsions habituelles, tel est l’enjeu de la pratique.

Plus concrètement : en ce moment, alors que vous lisez ce texte, êtes-vous totalement absorbé(e) dans vos pensées ? Ou pouvez-vous aussi sentir le contact de la page ou du smartphone sous votre main ? Pouvez-vous sentir vos pieds là où ils sont posés ? Peut-être remarquer le mouvement de la respiration dans votre ventre ?  Entendre les sons autour de vous ? 

Cela paraît simple sur le papier et pourtant, pour nombre d’entre nous, c’est un vrai défi, tant le monde d’aujourd’hui nous met sous pression et représente une source de stress quasi permanent pour l’esprit et le corps, parfois jusqu’à l’épuisement et à la maladie.

Évoluant dans une société marquée par le « trop » (trop de choix, de stimulations, de pression…), l’immédiateté et le zapping, alors que la rapidité, l’efficacité et la performance semblent toujours prendre le dessus, ce qui génère du stress, notre attention se disperse, aux dépens de la concentration. Ainsi sollicités en continu, nous ne nous accordons pas de temps de pause, de détente, de moments où l’on prend soin de soi – des moments pourtant indispensables à une bonne santé physique et mentale, et nécessaires à l’intégration de connaissances.

Pratiquer la pleine conscience, c’est choisir, à chaque instant, de revenir dans l’instant présent, d’accueillir notre expérience avec bienveillance, avec curiosité, qu’elle soit agréable, désagréable ou neutre.

Alors pour sortir de la spirale infernale, la pratique de la pleine conscience nous invite à nous arrêter un instant, à nous octroyer un moment de recentrage, de reconnexion à soi et, ainsi, de nous sentir mieux dans l’instant, de cultiver des attitudes qui vont nous soutenir au quotidien.

Comment faire ?

Comme pour tout, en s’entraînant ! Notamment au cours d’exercices, que l’on appelle souvent « méditation » : s’entraîner à stabiliser notre attention, par exemple en la posant sur le va-et-vient de la respiration, s’entraîner à ressentir son corps depuis l’intérieur dans les mouvements ou dans l’immobilité. 

L’intention de tels exercices, et c’est là une dimension propre à la pleine conscience, est non pas de chercher à changer les choses, mais plutôt de chercher à remarquer ce qui est présent pour lui faire de la place.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est parce qu’on porte attention à notre colère, par exemple, que l’on peut ensuite ne pas se laisser embarquer, s’en détacher, et, peut-être, retrouver le calme.

Plus qu’une technique, il s’agit davantage d’une manière d’être en relation avec soi-même et avec le monde qui nous entoure, de façon ouverte, bienveillante, curieuse et, souvent, plus sereine ! Un comportement salvateur, puisque de très nombreuses études ont démontré les effets positifs de la pleine conscience : à l’image des muscles qui se façonnent lorsqu’on s’entraîne, le fonctionnement et la structure de notre cerveau vont se modifier avec une pratique régulière de la pleine conscience.  

Quels en sont les bienfaits, notamment chez les enfants, dans le cadre scolaire ?

La pleine conscience est une pratique laïque, moderne, dont les effets bénéfiques font, depuis une trentaine d’années, l’objet de nombreuses études scientifiques.

Elle constitue donc un précieux outil pour les enseignants et les élèves, et ce, à plusieurs niveaux.

Pour les élèves :

  • Développer l’attention, la concentration, la mémoire – ce qui favorise l’acquisition des apprentissages et la créativité ;
  • Apprivoiser ses émotions, apprendre à les réguler et, ainsi, diminuer l’impulsivité – des enfants plus sereins, dont l’esprit est moins préoccupé par divers soucis, et donc plus disponibles pour apprendre ;
  • Apprendre à faire face au stress et à réduire son impact nocif, non seulement sur la santé, mais aussi sur les performances cognitives ;
  • Améliorer la confiance en soi, la bienveillance vis-à-vis de soi-même – des enfants qui se sentent mieux, plus solides, plus confiants dans leurs capacités et prêts à occuper leur place dans le monde.

Dans la cour de récré, il y avait beaucoup de monde, beaucoup de bruit, alors j’ai appuyé sur mon bouton Stop, j’ai respiré et j’ai senti du bonheur monter à l’intérieur de moi. Et puis je suis reparti jouer avec les copains.

Pour la classe :

  • Une ambiance de travail globalement plus sereine, plus propice à la mise en œuvre des apprentissages ;
  • Des enfants plus apaisés dans leurs rapports aux autres ;
  • Le développement de comportements pro-sociaux, favorisant le vivre ensemble et le sentiment d’appartenance à une communauté d’apprentissage soutenante.

 Pour l’enseignant :

  • Des conditions de travail plus favorables, et donc plus de plaisir à enseigner ;
  • Une meilleure gestion du stress et de la pression en général ;
  • Une plus grande capacité à gérer ses émotions… et celles des élèves ;
  • Développer des relations plus riches, plus soutenantes et bienveillantes avec ses élèves et ses pairs ;
  • Incarner auprès des enfants les valeurs que nous souhaitons leur transmettre – meilleur gage d’une transmission réussie.

Une classe (ou une famille) composée d’enfants peut-être un peu plus apaisés, déstressés, capables de se centrer sur eux-mêmes pour ensuite pouvoir se tourner vers les autres est une classe dans laquelle règnera une ambiance plus positive et constructive, propice au partage, à l’écoute et aux apprentissages !

La méditation et la pratique de la pleine conscience sont-elles accessibles à tou.te.s et à tout âge ?

La réponse est oui ! Et les exemples ne manquent pas. Des petits enfants absorbés de longues minutes par la contemplation d’un objet qu’ils découvrent, ça vous parle ? Alors oui, être vraiment présent dans l’instant, c’est un état que les enfants pratiquent très bien, bien plus que nous-même… 

Le tout est d’adapter les exercices à l’âge de chacun et de leur proposer une exploration ludique et positive. Avec les plus petits, le travail pourra commencer par des découvertes sensorielles. Ensuite, à partir de 7 ou 8 ans, les enfants seront invités à porter un regard réflexif, à s’exprimer sur leur expérience, pour mieux prendre conscience de ce qu’ils vivent ou de la façon dont ils fonctionnent.

L’intention avec laquelle l’enseignant ou le parent agira a donc toute son importance. Certains enfants auront plus de facilité à faire certaines choses que d’autres, évidemment. Mais en pleine conscience, il n’y a rien à réussir ! Il s’agit juste d’être dans l’instant présent, et de s’accueillir tel qu’on est, avec nos limites. C’est aussi de cette façon que se construit la bienveillance.

D’accord mais… Comment s’en servir avec des enfants ? En classe par exemple ? Comment se comporter en tant qu’enseignant/parent ?

L’idéal, avant de proposer aux enfants de pratiquer, c’est de pratiquer un peu soi-même, pour explorer, pour ressentir, pour profiter des effets positifs bien sûr, mais aussi pour se rendre compte que l’exercice n’est pas simple ! Cela va permettre d’avoir une attitude plus juste avec les enfants, de ne pas chercher forcément à obtenir un résultat, mais d’être plus dans la curiosité, dans l’exploration avec eux. L’essentiel est de permettre à chacun de se découvrir et de s’accepter tel qu’il/elle est.

C’est pourquoi suivre un cycle de plusieurs semaines, comme ceux que proposent Anne Valérie via son association « Être, au présent » s’avère particulièrement pertinent avant d’ensuite pratiquer la pleine conscience avec ses enfants ou ses élèves.

Pour proposer de pratiquer la pleine conscience avec des enfants, c’est mieux de commencer par la pratiquer soi-même. L’enseignant ou le parent ne doit proposer que des choses avec lesquelles il est à l’aise, qu’il a envie d’explorer lui-même. Se forcer dans une pratique est contre-productif.

Pouvez-vous en dire davantage ? À quelle fréquence cela peut-il se faire ? Quelles sont les conditions requises pour cela ? Auriez-vous quelques astuces, quelques conseils à donner à nos lecteurs ?

Si l’enseignant, ou le parent, est à l’aise avec la pratique de la pleine conscience, il existe de nombreux outils sur lesquels s’appuyer. Certains livres, tels que « Calme et attentif comme une grenouille » d’Eline Snel (éd. Les Arènes), ou « La pleine conscience à l’école » (éd. De Boeck), qui sont généralement accompagnés de pistes audios, constituent de bons supports pour pratiquer avec les enfants. Il est aussi possible de faire appel à un professionnel qui viendra en classe proposer un cycle d’ateliers aux enfants et l’enseignant pourra continuer ensuite avec sa classe sur la base de ce qui aura été expérimenté.

Le plus important, c’est d’essayer d’installer une régularité pour arriver à de bons résultats dans la pratique, que cela devienne une bonne habitude. En faisant court et régulier, vous créerez le rendez-vous. Cela peut se matérialiser sous forme d’une petite « météo intérieure » à faire chaque matin pour débuter la journée. Quel temps fait-il en moi aujourd’hui ? On apprend ainsi aux enfants à se relier à eux-mêmes. Cela permet de donner des indications au professeur sur le climat général qui règne dans la classe et de pouvoir s’ajuster.

Cela peut aussi se concrétiser sous forme d’une routine de retour de récréation ou à la maison, après la journée (par exemple, un moment d’attention à la respiration), pour laisser se déposer l’agitation et revenir à plus de calme et de disponibilité. De tels rituels peuvent aussi s’instaurer avant les évaluations, un moment de pause et de retour aux sens qui va aider à désactiver le stress éventuel. De nombreux enfants adorent prendre un moment le soir, avant de s’endormir, en pratiquant par exemple « l’exercice du spaghetti » : contracter puis détendre les différentes parties du corps, pour aider l’enfant à sentir ses membres, à relâcher les tensions et à apaiser toutes les pensées qui, peut-être, l’empêchent de trouver le sommeil. Cela constitue de plus une belle occasion de passer un temps de qualité avec son enfant !

Pardon que j'ai pensé au début que tes cours ça servait à rien. Merci de m'avoir appris à me sentir bien. J'ai adoré.

Il y a aussi toutes sortes d’exercices qui peuvent favoriser une bonne ambiance en classe : un enseignant peut par exemple installer des rituels par le jeu, comme celui du ballon aux compliments. Celui qui a le ballon le donne à un élève et lui fait un compliment. L’invitation, c’est de savoir comment on se sent quand on fait un compliment, quand on reçoit un compliment, ce que ça donne envie de faire. Ils sentent que c’est agréable, gênant, peut-être parce qu’on n’a pas l’habitude… L’enfant peut ainsi réaliser qu’être gentil, c’est agréable pour soi, pour l’autre, ça donne envie d’être gentil aussi… De cette manière, un cercle vertueux s’instaure petit à petit.

Avec des élèves un peu plus âgés, on peut encourager les enfants à prendre conscience du jugement parfois négatif qu’ils ont d’eux-mêmes et qui peut influencer leur façon d’être et leurs performances. Se dire qu’on ne va pas y arriver aide rarement à ce que ce soit le cas ! Prendre conscience que la tête dit quelque chose qui n’est peut-être pas vrai permet de remettre les choses en perspective.

C’est pourquoi de telles pratiques se révèlent essentielles et particulièrement efficaces dans certaines classes. Elles doivent être simples, régulières, consister en une invitation à l’exploration, en une prise de conscience de l’extérieur et des sensations qui nous entourent.

 

Propos recueillis par Aurielle Marlier

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